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HISTOIRE DU PARNASSE

ne les a plus jamais supportées depuis, je me demande ce que Heredia aurait pu critiquer dans cette prière À une Statuette de Tanagra :


Sois agréable aux dieux, Vierge de l’Acropole !
Tu dores mon foyer de ton passé vermeil.
Dans ma demeure obscure, ainsi qu’une auréole
Je vois derrière toi se lever le soleil[1]


C’est, presque, du Plessis. — La beauté de l’art parnassien s’impose avec une telle évidence que même Zola s’inclinait : « on ne saurait leur refuser un don merveilleux : celui de la forme. Ils ont poussé la science du vers à une perfection incroyable… La langue française, sous leurs doigts, a été travaillée comme une matière précieuse. Les plus médiocres sont parvenus à laisser des pièces d’une facture irréprochable[2] ».

Mais la poésie parnassienne est-elle irréprochable au fond comme dans sa forme ? Les classiques, les romantiques, nous tendent deux belles coupes, d’argent et d’or, où ils ont versé le vin le plus pur, le plus généreux. Ces coupes semblent encore plus belles, parce que la liqueur est de l’ambroisie : ce vin semble plus réconfortant, ou plus enivrant, parce que la beauté de la coupe est attirante. C’est l’art d’autrefois, qui est beauté et vie.

Le Parnasse nous présente un verre de Salviati, irisé, orné de gemmes, avec lequel il est assez difficile de boire ; la liqueur qu’il contient est parfois bien amère : c’est de l’Art pour l’Art.

Dans l’Histoire du Romantisme en France, j’ai comparé l’art classique et son rival à deux salles de musée : dans l’une, la sculpture classique très pure, un peu froide ; dans l’autre, la peinture romantique, toute grouillante de mouvement. Poussons une dernière porte : nous arrivons à l’exposition parnassienne, à la salle Benvenuto Cellini : là les élèves de Leconte de Lisle se groupent autour de leur maître. Ce salon ressemble à un magasin d’antiquaire ; un peu de désordre, de fouillis ; beaucoup de bon, et quelques à peu près ; mais il y a un catalogue, par ordre alphabétique, ce qui permet de passer vite devant les inconnus médiocres, et de s’arrêter devant les célébrités. On a demandé, pour la couverture de ce catalogue une aquarelle, genre Rochegrosse, à Théodore de Banville : le poète s’est contenté de transcrire sa description de la

  1. Revue de Paris, 15 juin 1928, p. 729-730, 740.
  2. Documents littéraires, p. 177.