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HISTOIRE DU PARNASSE

Dans l’édition définitive, on trouve à la place cet hommage à l’euphorie païenne :


Le monstre, sous la chair splendide,
Cachait son fantôme inconnu,
Et l’œil de la vierge candide
Allait au bel éphèbe nu.


On a le droit de préférer la première version. Partout ailleurs, chaque correction est un gain. On voit, dans Les Néréides, avec quelle patience Théo s’acharne, impitoyable aux tremblements de l’outil. Il se reprend à la besogne quatre fois, avant de se déclarer satisfait de la première stance :


Je possédais une aquarelle
De Théophile Kwiatowski.
N’allez pas me chercher querelle
Pour ce nom qui finit en ki.


Au premier vers Je possédais étonne. Pourquoi dire qu’il ne Fa plus ? L’a-t-il vendue ? Puis le second vers est une surprise désagréable parce qu’elle n’est pas préparée. Le troisième est manqué, le lecteur n’ayant aucune envie de lui chercher querelle. Quant au quatrième vers, c’est une gauche cheville. Tout cela va changer :


J’ai dans ma chambre une aquarelle
D’un peintre polonais, à qui
Rythme et rime cherchent querelle :
Théophile Kwiatowski.


Le premier vers est parfait, et ne changera plus. Mais, au second, « polonais » est de la bourre, car le nom du peintre est bien suffisant pour indiquer son pays. Rythme et rime font une cacophonie. Le quatrième vers est bien à sa place, et y restera. En supprimant la préposition de, Théo supprime du même coup la dureté de la synérèse « kia » ; on entend maintenant Ki-a-tous-ki. Quelques menus coups de lime donnent la troisième version :


J’ai dans ma chambre une aquarelle
Fantasque, et d’un peintre avec qui
La rime exacte se querelle :
— Théophile Kwiatowski.


Fantasque est-il bien le mot propre, quand on connaît le reste de la pièce, cette opposition entre les Néréides de la vieille mythologie et le bateau à vapeur ? Exacte est une platitude, se dit le poète ; une cheville, dirait le lecteur, car ce mot ne veut rien dire, et remplace rythme, qui disait quelque chose. Théo profite de ce qu’il a