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Page:Souvenirs d'enfance de Sophie Kovalewsky.djvu/206

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à l’université.

visites aux familles de certains professeurs, sans nouer de relations avec personne.

« Sophie attira l’attention dès le début ; le célèbre professeur Kirchhof de Königsberg, dont elle suivit les cours de physique pratique, parlait toujours d’elle comme d’un sujet exceptionnel. Sa renommée se répandit vite dans la petite ville, et on s’arrêtait parfois dans la rue pour regarder passer la célèbre Russe. Elle rentra un jour en riant, et me raconta qu’une femme du peuple, un enfant sur les bras, s’était arrêtée devant elle, en disant tout haut : « Regarde, regarde, la jeune fille qui travaille si bien à l’école ! »

« Réservée, modeste, presque timide dans ses rapports avec le professeur et avec ses camarades, Sophie n’entrait jamais à l’Université qu’en détournant les regards pour ne parler à personne. Elle n’adressait la parole à ses camarades que lorsque son travail l’exigeait. Cette manière d’être plaisait aux professeurs allemands, qui admirent la modestie chez une femme, surtout lorsque celle-ci est jeune, charmante, et qu’elle s’adonne à une science aussi abstraite que les mathématiques.

« Cette timidité de Sophie était parfaitement naturelle à cette époque. Je me souviens qu’elle me raconta une fois son embarras en découvrant une erreur au tableau, dans une démonstration faite par un élève ou par le professeur. Celui-ci s’embrouillait de plus en plus, et Sophie m’avoua que son cœur battait à se rompre, lorsqu’elle se décida enfin à se