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Page:Souvenirs d'enfance de Sophie Kovalewsky.djvu/21

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sophie kovalewsky.

lumineux, ressortent divers petits épisodes de voyage : des pierres ramassées sur la chaussée, des nuits passées dans des maisons de poste, la poupée de ma sœur jetée par la portière de la voiture, une série de tableaux, sans liaison entre eux, mais assez vifs en couleur.

Mes souvenirs ne prennent un peu de suite qu’à partir de l’âge de cinq ans, lorsque nous demeurions à Kalouga. Nous étions trois enfants : ma sœur Aniouta, mon aînée de six ans, et mon frère Fédia, de trois années plus jeune que moi.

Notre chambre d’enfants m’apparaît grande, mais basse. « Niania », montée sur une chaise, en atteint facilement le plafond de la main. Nous dormions tous les trois dans cette chambre : on avait parlé de transporter Aniouta dans celle de la gouvernante française, mais ma sœur s’y refusa ; elle préférait rester avec nous.

Nos petits lits, entourés de grillages, sont côte à côte ; nous pouvons grimper les uns chez les autres, le matin, sans mettre le pied par terre. Un peu plus loin est le grand lit de Niania, sur lequel s’entassent les matelas de plume, les oreillers et les édredons, c’est la gloire de Niania.

Quelquefois, quand elle est de bonne humeur, elle nous permet de jouer sur son lit dans la journée : nous y montons alors au moyen de chaises, et, parvenus au sommet, la montagne s’effondre aussitôt sous notre poids, et nous plongeons dans une mer de duvet ! Ce jeu nous paraît très amusant.