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Page:Souvenirs d'enfance de Sophie Kovalewsky.djvu/212

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une année d’études chez weiertstrass.

le dimanche soir elle allait chez lui. Kovalewsky avait amené sa femme à Berlin et l’y avait installée avec l’amie de Heidelberg ; il venait les voir de temps en temps, mais ses rapports avec Sophie restaient étranges, et éveillaient une certaine curiosité dans la maison de Weierstrass, où Voldemar ne se montra jamais, bien que sa femme y vécut dans l’intimité de tous les membres de la famille. Jamais elle ne parla de lui, jamais elle ne le présenta au professeur, mais le dimanche soir, après la leçon, Kovalewsky sonnait à la porte d’entrée, et disait à la servante qui venait lui ouvrir :

« Prévenez Mme Kovalewsky qu’une voiture l’attend à la porte. »

Sophie fut toujours gênée par cette situation, et un des professeurs de Heidelberg m’a raconté, qu’ayant un jour rencontré Kovalewsky chez elle, Sophie le lui présenta comme un « parent ».

Voici comment l’amie raconte leur vie commune à Berlin :

« Notre vie à Berlin fut plus monotone encore et plus isolée qu’à Heidelberg. Nous demeurions toutes seules. Sophie passait la journée plongée dans ses papiers ; moi je restais au laboratoire jusqu’au soir. Après un dîner pris à la hâte, nous nous remettions au travail. À l’exception du professeur Weierstrass qui venait souvent, personne ne mettait jamais le pied chez nous. Sonia était de mauvaise humeur, indifférente à tout ; rien en dehors de ses études ne semblait l’intéresser. Les visites de son mari la