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Page:Souvenirs d'enfance de Sophie Kovalewsky.djvu/220

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une année d’études chez weiertstrass.

seraient transférés le lendemain dans un autre lieu de détention, et qu’ils passeraient devant le Palais de l’Industrie. De fréquents rassemblements se formaient à cette époque autour de cet édifice. Aniouta se mêla à la foule, et au moment où les prisonniers passaient, elle se glissa parmi les soldats de l’escorte, s’empara du bras de J. et l’entraîna dans une des annexes de l’Exposition, d’où ils sortirent par une autre porte et parvinrent sans encombre jusqu’à une gare. L’aventure paraît étrange et presque invraisemblable, mais je la raconte telle qu’elle est restée dans mon souvenir et dans celui de quelques amis de Sophie.

Combien amèrement on regrette le peu d’importance attaché à des paroles qu’on aurait dû graver dans sa mémoire ! Pour ma part, je me le reproche d’autant plus vivement que Sophie me disait souvent : « Tu écriras ma biographie quand je serai morte » ; mais qui songe au jour de la séparation pendant une intime causerie ! Il semble qu’on remplira, dès le lendemain, les lacunes de certains entretiens, trop animés pour ne pas voler rapidement d’un sujet à un autre.

Sophie reçut en 1871 le grade de docteur à Göttingue, à la suite de deux dissertations écrites sous la direction de Weierstrass, et dont l’une « Sur la théorie des équations aux différences partielles », qui lui servit de thèse, peut compter parmi ses travaux les plus remarquables. Ce travail la dispensa de subir l’examen oral.