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Page:Souvenirs d'enfance de Sophie Kovalewsky.djvu/221

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sophie kovalewsky.

Dans la lettre suivante, adressée au doyen de la faculté de Göttingue, elle explique les motifs très caractéristiques qui lui font demander une dispense que l’on n’accorde que rarement :

« Votre Honneur voudra bien me permettre d’ajouter quelques mots à ma pétition pour solliciter le grade de docteur : je ne me suis pas décidée sans peine à sortir de ma réserve habituelle, et je ne surmonte mes hésitations que pour satisfaire des personnes qui me touchent de près, et leur prouver que mes études de mathématiques ne sont pas restées sans résultats ; on m’a d’ailleurs assuré qu’en ma qualité d’étrangère je pouvais être gradée « in absentia » si mon travail paraissait suffisant, et si j’apportais des certificats de personnes compétentes. Votre Honneur ne se méprendra pas, j’espère, sur la franchise de mon aveu, mais je crois ne pas avoir l’assurance nécessaire sur l’examen « rigorosum ». Je crains fort que l’obligation de répondre à des personnes étrangères, quelle que soit la bienveillance de messieurs les examinateurs, ne me trouble complètement. À cette crainte se joint encore la connaissance incomplète de la langue allemande ; bien que je sois habituée à m’en servir en mathématiques, lorsque j’ai le temps de la réflexion, je ne la parle pas couramment ; je n’ai commencé à étudier cette langue qu’il y a cinq ans, et pendant les quatre années passées par moi à Berlin, je n’ai parlé l’allemand que pendant les heures que m’a consacrées mon vénéré Maître. J’ose espérer que Votre Honneur