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Page:Souvenirs d'enfance de Sophie Kovalewsky.djvu/23

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sophie kovalewsky.

pressés de nous lever et de nous habiller. Entre notre réveil et notre toilette s’écoule un laps de temps considérable, employé à nous battre à coups d’oreillers, à lutter avec nos petites jambes nues et à dire beaucoup de folies.

Un appétissant parfum de café se répand dans la chambre : Niania, peu vêtue elle-même, et dont la première toilette consiste à échanger son bonnet de nuit contre un fichu de soie qui lui couvre invariablement la tête dans le courant de la journée, apporte un plateau chargé d’une grande cafetière de cuivre. C’est dans nos petits lits, sans nous laver ni nous peigner, qu’elle nous régale de café à la crème et de petits pains au beurre.

Nous nous rendormons parfois après avoir mangé, fatigués par les jeux qui ont précédé le déjeuner.

Mais voici la porte qui s’ouvre avec fracas, et sur le seuil apparaît Mademoiselle en colère.

« Comment, vous êtes encore au lit, Annette ! Il est presque onze heures. Vous êtes de nouveau en retard pour votre leçon ! s’écrie-t-elle courroucée. — On ne doit pas dormir si longtemps, je me plaindrai au général ! dit-elle en s’adressant à la bonne.

— Eh bien ! vas-y, plains-toi, vipère ! » murmure Niania quand la gouvernante est sortie, et longtemps après elle grogne encore sans pouvoir se calmer.

« Les enfants de la maison n’ont plus le droit de dormir leur comptant !… On sera en retard pour la leçon ! en voilà un malheur ! eh bien, tu attendras, important personnage ! »