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Page:Souvenirs d'enfance de Sophie Kovalewsky.djvu/238

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premier appel de suède.

qu’ici que dans des cas particuliers, et comme une grâce spéciale qu’on peut leur retirer tout aussi facilement et arbitrairement, ainsi que cela s’est passé dans plusieurs Universités allemandes.

« Sans être riche, j’ai le moyen de vivre indépendante, la question d’appointements n’entrerait donc pour rien dans ma résolution. Ce que j’ai principalement en vue, c’est de servir une cause qui m’est chère, et de m’assurer en même temps, à moi-même, la possibilité de me consacrer au travail dans un milieu occupé des mêmes travaux, bonheur qui m’a toujours manqué, qui me manque encore en Russie, et dont je n’ai joui jusqu’ici que pendant mon séjour à Berlin.

« Voilà, cher Monsieur, mes sentiments personnels ; cependant je me crois obligée de vous communiquer encore ce qui suit : M. Weierstrass, d’après ce qu’il sait de l’état des esprits en Suède, croit impossible que l’Université de Stockholm admette jamais une femme au nombre des professeurs, et qui plus est, il craint que si vous mettez trop d’insistance à introduire de pareilles innovations, votre position personnelle ne s’en ressente. Ce serait égoïste de ma part de ne pas vous communiquer l’opinion de notre cher maître, et vous pouvez vous imaginer le regret que j’aurais de vous nuire, à vous qui m’avez toujours témoigné tant d’intérêt et d’empressement à me servir, et pour lequel j’éprouve une amitié si sincère. Je crois donc qu’il est plus prudent peut-être de n’entreprendre pour le moment aucune démarche,