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Page:Souvenirs d'enfance de Sophie Kovalewsky.djvu/256

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arrivée à stockholm.

des perfectionnements de l’organisme que les êtres vivants ont peu à peu développés en eux-mêmes par voie de sélection… selon moi le perfectionnement le plus désirable serait la faculté de mourir vite, et facilement. Sous ce rapport, l’homme a rétrogradé. Les insectes, et les animaux inférieurs, ne peuvent se décider à mourir ; ce qu’un articulé peut souffrir sans cesser d’exister est inouï ; mais plus l’on s’élève dans l’échelle des êtres, plus le passage devient rapide et facile. Pour un oiseau, un animal sauvage, un lion, un tigre, la maladie est presque toujours mortelle ; ils jouissent pleinement de la vie, ou meurent. Pas de souffrances. Mais l’homme s’est rapproché de l’insecte sous ce rapport, et bien des personnes de ma connaissance me font involontairement penser à des insectes, dont les ailes auraient été arrachées, plusieurs articulations écrasées, les pattes brisées, et qui ne se décident pourtant pas à mourir. »

Et un peu plus loin : « J’ai reçu de votre sœur, comme cadeau de Noël, un article de Strindberg, dans lequel il prouve aussi clairement que deux et deux font quatre, combien une monstruosité, telle qu’un professeur de mathématique féminin, est fâcheuse, inutile, et désagréable. Je trouve qu’il a raison dans le fond. Le seul point contre lequel je proteste, c’est qu’il y ait en Suède tant de mathématiciens hommes, qui me soient supérieurs, et que l’on ne m’ait nommée que par pure galanterie. »