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Page:Souvenirs d'enfance de Sophie Kovalewsky.djvu/280

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humeurs changeantes.

plus sérieux reproches de perdre indignement mon temps. Sa parole sévère met en fuite ma pauvre grand’mère, la bohémienne. Me voilà donc assise à mon bureau, en robe de chambre et en pantoufles, enfoncée dans mes méditations et mes recherches mathématiques, et sans la moindre envie de prendre part à votre excursion. Vous êtes si nombreux que vous vous amuserez bien sans moi. et cela me fait espérer que vous me pardonnerez mon indigne désertion.

« Sonia. »


Il avait été convenu que nous nous retrouverions dans l’arrière-saison, dans le Jamtland, où Sophie s’était établie avec la famille de mon frère. Mais à peine y fus-je arrivée, que Sophie, appelée par dépêche en Russie, partit pour y rejoindre sa sœur gravement malade.

Lorsqu’elle revint en septembre, elle ramena sa petite fille âgée de près de huit ans. Pour la première fois elle s’établit alors à Stockholm dans un appartement particulier. Quoiqu’elle fût indifférente à toute espèce de confort domestique, elle était dégoûtée de la vie de pension ; elle éprouvait un besoin absolu de tranquillité, et de liberté quant à l’emploi de son temps, et ne pouvait s’accommoder des petites dépendances qui résultent de la vie chez les autres. Elle pria donc ses amis de lui trouver un appartement et une femme de confiance, qu’elle pût charger du soin de son ménage et de celui de sa fille ;