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Page:Souvenirs d'enfance de Sophie Kovalewsky.djvu/305

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XII

TRIOMPHE ET DÉFAITE, TOUT GAGNÉ, TOUT PERDU


Je partis en janvier 1888, et nous ne nous revîmes qu’au mois de septembre 1889 ; mais dans cet intervalle de moins de deux ans, nos vies à toutes deux avaient subi des crises décisives, et nous nous retrouvâmes autres que nous nous étions quittées. L’intimité du passé devenait impossible : chacune de nous, absorbée par son propre drame, ne voulait pas avouer à l’autre l’entière vérité sur ses luttes intérieures. La tâche que je me suis proposée étant de raconter tout ce que Sophie m’a dit sur elle-même, je me bornerai aussi à ne communiquer de cette dernière période de sa vie que ce que j’ai su par elle ; ce sera plus vague et moins explicite que le reste, parce qu’elle ne me laissait plus lire dans son âme comme auparavant.

Peu après mon départ elle fit la connaissance d’un homme, qu’elle disait être la personnalité la plus géniale qu’elle eût jamais connue. Dès leur première