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Page:Souvenirs d'enfance de Sophie Kovalewsky.djvu/307

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sophie kovalewsky.

encore si jeune, aussi bien compris certains côtés de la nature humaine. En analysant maintenant les sentiments de E. vis-à-vis de G., je crois avoir très bien décrit les rapports entre un « privat docent » et son professeur. Et quelle excellente occasion pour prêcher le socialisme ! Et quelle excellente occasion pour développer cette thèse — qu’un état démocratique, mais non pas socialiste, est la plus grande horreur que l’on puisse rencontrer. »

Plus tard elle écrit :

« Merci pour ta lettre de Dresde. Je suis toujours extrêmement heureuse chaque fois que je reçois quelques lignes de toi, bien que, à proprement parler, ta lettre m’ait produit une impression très mélancolique. Qu’y faire ? Ainsi va la vie, on n’obtient jamais ce que l’on veut, et ce dont on croit avoir besoin. Tout, mais pas cela. Quelque autre aura le bonheur que je convoite, et auquel il n’aura jamais pensé. Le service de table du « grand festin de la vie » doit être mal fait, car tous les convives semblent, par négligence, recevoir les portions destinées à d’autres. En tout cas N. a reçu celle qu’il souhaitait. Il est enthousiasmé de son voyage au Groënland, et rien ne pourrait rivaliser à ses yeux avec ce projet ; tu feras donc bien de renoncer à l’idée de génie de lui écrire, car j’ai peur, vois-tu, que même avec la complicité de… tu n’empêches sa visite aux âmes des grands hommes, qui, suivant la légende lapone, planent au-dessus des plaines de glace groënlandaises. Pour ma part, je travaille tant que je peux (pour le concours du prix