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Page:Souvenirs d'enfance de Sophie Kovalewsky.djvu/333

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sophie kovalewsky.

donc quelque valeur. En sortant de chez lui nous devions nous rendre dans une autre maison, et ne comptions pas rentrer chez nous ; mais dans son attente d’une lettre, attente continuelle, de chaque jour, de chaque heure, Sophie ne pouvait pas rester longtemps dehors. Nous fîmes donc un détour jusqu’à l’hôtel pour faire au portier l’éternelle question : « Y a-t-il une lettre ? » Le moment d’après, Sophie s’était emparée d’une lettre déposée à notre numéro, et montait précipitamment l’escalier qui menait à nos chambres. Je montai lentement les quatre étages pour me rendre directement à la mienne, afin de ne pas la gêner. Mais elle entra aussitôt chez moi, me sauta au cou en pleurant, en riant, se mit à danser avec moi, puis tombant épuisée sur un canapé, elle cria presque : « Mon Dieu, mon Dieu, quel bonheur ! Je ne pourrai jamais le supporter, j’en mourrai, quel bonheur ! »

La lettre expliquait un malheureux malentendu dont elle avait souffert, les derniers mois, au point de devenir l’ombre d’elle-même.

Le lendemain soir, elle quittait Paris pour rejoindre celui dont toute sa destinée dépendait.