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la fin.

celle-ci la regarda affectueusement et lui souhaita de bien s’amuser. Quelques heures après, l’enfant fut réveillée pour recevoir le dernier regard de sa mère, fixé sur elle avec une expression de tendresse.

Le lundi soir, ses deux amies, qui ne l’avaient pas quittée depuis vingt-quatre heures, cédèrent leur place à une sœur garde-malade. Le médecin ne voyait pas de danger immédiat, et croyait plutôt à une maladie prolongée ; il était donc plus raisonnable pour ses amies de partager les veilles avec une garde, que d’épuiser leurs forces dès le début. À la prière de la malade elle-même, elles consentirent à la quitter la nuit, rien de particulier n’exigeant, d’ailleurs, leur présence. Elle dormait profondément quand ses amies la quittèrent. Mais à deux heures elle se réveilla, et l’agonie commença. Elle ne montra aucun signe de connaissance, cessa de parler, de remuer, d’avaler. Cela dura deux heures. Au dernier moment, une de ses amies, que la garde avait fait avertir, eut le temps d’accourir. Elle soutint la dernière, la terrible lutte, seule, avec une étrangère, qui ne parlait même pas sa langue. Qui sait si une voix aimée, un tendre serrement de main, ne lui auraient pas apporté quelque consolation pendant ces terribles heures ? J’aurais désiré qu’un prêtre de la mission russe fût au moins appelé : avec la piété qu’elle conservait pour la religion de son enfance et pour tous ses premiers souvenirs, elle aurait certainement éprouvé un certain apaisement, à entendre des paroles de paix arriver jusqu’à elle : si elle ne les avait