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Page:Souvenirs d'enfance de Sophie Kovalewsky.djvu/348

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la fin.

la logique des choses, et agissait sans logique. Si elle a trouvé un monde où ces oppositions peuvent se fondre, elle doit y être heureuse : si ce monde n’existe pas, au moins a-t-elle trouvé ce qu’elle a tant souhaité, l’harmonie. Car le repos absolu est aussi l’harmonie.

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Rarement une mort a éveillé autant de sympathies. L’Université recevait des télégrammes de condoléance de toutes les parties du monde civilisé, depuis l’Académie ultra-conservatrice de Pétersbourg, qui venait de la nommer membre correspondant, jusqu’aux écoles du dimanche de Tiflis et aux écoles primaires de Kharkof. Chacun se hâtait d’envoyer à cette mémoire l’expression de son admiration ; les femmes russes résolurent de lui élever un monument à Stockholm ; des charretées de fleurs jonchaient le sol du cimetière ; tous les journaux, toutes les revues, publièrent des articles à la louange de cette femme exceptionnelle qui, plus qu’aucune autre, faisait honneur à son sexe.

Mais de toutes ces louanges, de toute cette admiration, ressort une image trop impersonnelle et trop insaisissable. Elle prend des proportions que Sophie n’aurait jamais désirées, et en fait une espèce d’être monstrueux, au cerveau organisé d’une façon spéciale, qui inspire plus d’étonnement que d’attrait. Ramener cette image à des proportions plus ordinaires, décrire cette vie avec ses faiblesses, ses erreurs, ses souffrances, ses humiliations, aussi bien