Aller au contenu

Page:Souvenirs d'enfance de Sophie Kovalewsky.djvu/347

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
330
sophie kovalewsky.

tiple, fut le but de ses recherches comme savante et comme artiste. L’a-t-elle trouvée maintenant ? Ce « peut-être » si obscur, si incertain, donne le vertige, mais fait battre le cœur d’un espoir tremblant, et détruit l’aiguillon et l’amertume de la mort.

Elle avait désiré mourir jeune. Malgré l’inaltérable jeunesse de son esprit ouvert à toute impression nouvelle, à toute nouvelle source de joie, et qui la rendait sensible comme un enfant aux moindres bagatelles, son âme avait au fond des aspirations que la vie ne pouvait satisfaire. Cet ensemble, cette unité, qu’elle cherchait dans le monde de la pensée, elle les cherchait aussi sur le terrain du sentiment. De même que son intelligence exigeait la clarté, la vérité absolues, son cœur aspirait à l’amour absolu, à l’union complète, que la vie particulière à l’homme, peut-être même son caractère à elle, rendaient impossible. Ce fut ce manque de cohésion entre son intelligence, les besoins de son cœur, et les difficultés de la vie, aussi bien qu’entre ses aspirations et son tempérament, qui la minèrent. À ce point de vue sa mort trouve son explication : si on admet, comme elle, une cause profonde à tous les phénomènes, elle devait mourir, non parce qu’un microbe quelconque s’était introduit dans ses poumons, ni parce que les circonstances s’étaient opposées au bonheur de sa vie, mais parce que le lien nécessaire, organique, faisait défaut entre son être intérieur et extérieur, c’est-à-dire entre sa pensée et ses sentiments, son caractère et son tempérament. Elle voyait