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Page:Souvenirs d'enfance de Sophie Kovalewsky.djvu/56

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fékloucha.

âge ; on s’aperçut maintenant qu’elle était non seulement très gâtée, mais encore tellement ignorante, qu’à l’âge de douze ans elle ne pouvait pas même écrire le russe correctement.

Les jours qui suivirent notre escapade me reviennent tristement à la mémoire, comme une sorte de désastre domestique. On n’entendait, dans notre chambre d’enfants, que larmes et gémissements. Tout le monde se querellait, tout le monde était grondé, chacun recevait son paquet à tort ou à raison. Papa était en colère, maman en larmes, Niania hurlait, Mademoiselle faisait ses préparatifs de départ avec des gestes de désespoir ! Ma sœur et moi, devenues très douces, nous tenions coites, et n’osions bouger, sachant bien que la moindre incartade nous serait imputée à crime, chacun étant fort disposé à décharger sur nous sa propre irritation. Nous n’étions cependant pas exemptes d’une certaine curiosité ; nous regardions « les grands » se disputer entre eux avec une satisfaction enfantine d’assez mauvais aloi. « Comment cela finira-t-il ? » disions-nous en attendant.

Mon père, qui n’aimait pas les demi-mesures, prit le parti d’opérer une réforme radicale dans tout le système de notre éducation. La Française fut remerciée, Niania éloignée de la chambre des enfants et chargée de la lingerie, et deux nouveaux personnages firent leur apparition dans la maison : un précepteur polonais, et une institutrice anglaise.

Le précepteur se trouva être un homme doux et