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Page:Souvenirs d'enfance de Sophie Kovalewsky.djvu/58

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fékloucha.

celle de ma mère. Depuis ce jour Aniouta fut considérée comme une grande personne, et l’institutrice, chaque fois que l’occasion s’en présentait, ne manquait pas d’expliquer clairement que la conduite de ma sœur ne la concernait plus en rien, qu’elle s’en lavait les mains.

Tous les soins de l’institutrice se concentrèrent dès lors sur moi avec une rigueur d’autant plus grande : elle m’isola le plus possible du reste de la maison, pour me mettre à l’abri de l’influence de ma sœur, comme d’une maladie contagieuse.

La distribution de notre maison à la campagne se prêtait aux efforts de l’institutrice pour nous séparer : trois ou quatre familles y auraient vécu à l’aise, sans se gêner mutuellement, et au besoin sans se connaître.

Presque tout le rez-de-chaussée était réservé à mon institutrice et à moi, à l’exception de quelques chambres d’amis et de domestiques. Le premier étage contenait les chambres de réception, l’appartement de ma mère et d’Aniouta. Fédia et son précepteur occupaient une aile, et le cabinet de papa, situé au rez-de-chaussée d’une tour à trois étages, était complètement séparé du reste de l’habitation. Les divers éléments composant notre famille avaient donc chacun leur propre territoire : on pouvait suivre sa voie particulière sans gêner personne, on ne se retrouvait qu’à l’heure du dîner et le soir, au thé.