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Page:Souvenirs d'enfance de Sophie Kovalewsky.djvu/95

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sophie kovalewsky.

je le regardais, me disait : « Tu aimes donc bien ton oncle, Sonia ? » je devenais rouge jusqu’aux oreilles et ne soufflais mot.

Dans le courant de la journée, je ne le voyais guère, ma vie étant complètement séparée de celle des autres, mais soit pendant mes leçons, soit pendant mes récréations, je me disais sans cesse : « Quand viendra le soir ? quand serai-je avec mon oncle ? »

Pendant le séjour qu’il fit chez nous, nous reçûmes un jour la visite de voisins de campagne avec leur fille Olga.

Cette Olga était la seule petite fille de mon âge qu’il m’arrivât de rencontrer. On ne l’amenait pas souvent ; mais en revanche on nous la laissait pour toute la journée, quelquefois même pour la nuit.

C’était une enfant vive et gaie. Quoique une véritable amitié ne fût guère possible entre nous, à cause de la différence de nos goûts et de nos caractères, je me réjouissais généralement de son arrivée, d’autant plus, qu’en son honneur, j’avais congé pour toute la journée.

Mais en apercevant Olga ce jour-là, je me demandai aussitôt : « Comment cela se passera-t-il après dîner ? »

Le charme principal de mes entretiens avec mon oncle consistait pour moi à rester en tête à tête avec lui, à l’avoir exclusivement à moi toute seule, et je sentais bien d’avance que la présence de cette petite sotte gâterait tout.

Aussi mon amie fut-elle accueillie avec infiniment moins de plaisir que d’habitude.