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Page:Spaak - Kaatje, préf. Verhaeren, 1908.djvu/167

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JEAN

Non ! L’odeur est divine et ces fleurs ont raison !
Les incapables seuls y trouvent du poison !

KAATJE

Les incapables ?

JEAN (amèrement)

Les incapables ? Oui. Je n’étais pas de taille
À livrer ce combat ; j’ai perdu la bataille !
Les vaincus seuls ont tort et c’est tant pis pour eux !
Et c’est juste après tout !… Mais c’est si douloureux,
Quand la réalité, tout à coup, vous convainc
Que le rêve était fou ; que l’effort était vain ;
Qu’ayant un idéal hors d’atteinte pour cible,
On a tiré vers lui des flèches impossibles,
Et qu’après tant d’élans vers les biens qu’on préfère,
On n’en a rien ! Et qu’il n’y a plus rien à faire !

En prononçant ces derniers mots, Jean s’est assis, accablé, sur un siège un peu éloigné de Kaatje et demeure longtemps pensif. Kaatje, toujours assise près de la fenêtre, ne travaille plus ; elle semble absorbée par sa pensée.
KAATJE (après un long silence, et comme en ne parlant
que pour elle-même, à voix basse)

Plus rien à faire ?… Hélas !… Et pourtant, il me semble
Que puisque rien de ces gens-là ne nous ressemble,
Il vaudrait mieux ne pas les imiter… S’ils vont
Par des chemins plus beaux que ceux que nous suivons,