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Page:Spaak - Kaatje, préf. Verhaeren, 1908.djvu/166

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Tu me dis ce que l’art commande ; tu essaies
D’accorder mon esprit au vol de ta pensée ;
Je vois tes yeux fixés sur ton but idéal ;
J’entends bien que c’est beau… Mais je comprends si mal !

JEAN

Mais non !

KAATJE

Mais non ! Oui. J’avais cru te comprendre autrefois !
Était-ce ton accent, la fièvre de ta voix,
L’enthousiasme ardent qu’elle me révélait ?…
Mais quand tu m’as montré ce pays de palais
Où la beauté s’offrait en fleurs épanouies,
Comment n’aurais-je pas été tout éblouie ?
Puisque tu le disais, j’ai cru que c’était là,
Chez ces peintres qu’aucun des nôtres n’égala,
Qu’en t’inspirant de leurs tableaux les plus fameux,
Tu pourrais devenir un grand peintre comme eux !
Mais depuis ton retour je regarde, je pense,
Je tremble de l’effort auquel tu te dépenses,
Le vertige me prend du songe qui t’enivre,
Et je sens ma pensée incapable à te suivre !…
Ah ! ne t’afflige pas d’entendre ces paroles ;
Je ne suis qu’une enfant ! Mais ce grand art m’affole
À présent ! L’Italie apparaît à mes yeux
Comme un jardin rempli de bosquets merveilleux
Qui s’étagent au gré des pentes galonnées,
Mais dont toutes les fleurs seraient empoisonnées !