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Page:Spenlé - Novalis.djvu/106

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NOVALIS

narcotiques et ses aphrodisiaques, recèle dans son sein des puissances secrètes d’ivresse, d’extase, de sommeil divinatoire. Il faut se rappeler, pour expliquer le sens exact de ces lignes que Novalis, pendant la maladie de sa fiancée s’était plongé dans la lecture des livres de médecine et qu’il était devenu un adepte fervent de la méthode du médecin écossais Brown. On verra plus tard le parti qu’il en tira pour son système philosophique. Pour l’instant il suffit de rappeler que Brown fut en Europe un des grands apôtres de l’opium. « L’action stimulante de l’opium », lisons-nous dans le Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, « a été le pivot de la réforme brownienne, qui écrivait sur sa bannière le mot fameux : « Me Hercle, opium non sedat ! » et lui fit jouer dans le traitement des maladies sthéniques, (qui constituent dans la pensée du célèbre agitateur d’Édimbourg les neuf dixièmes de la pathologie), le rôle considérable que l’on sait. »[1]

Les disciples de Brown en Allemagne, qui commençaient à devenir nombreux, défendaient eux aussi avec opiniâtreté les propriétés médicinales de l’opium. On attribue à l’abus de ce médicament l’issue funeste de la cure qu’avait entreprise Schelling sur la fille adoptive de Guillaume Schlegel, sur Augusta Bœhmer. Le médecin Hufeland était pareillement un partisan enthousiaste de l’opium. Faut-il en conclure que Novalis lui-même ait usé de ce produit ? Tout ce qu’on peut affirmer c’est qu’il y eut recours, pendant les périodes aiguës de sa maladie, et que, comme tous les phtisiques et les névralgisants, il y cherchait tout au moins un apaisement à ses souffrances. Un passage de son Journal en fait foi.[2] En usait-il auparavant déjà et aurait-il ainsi contracté une sorte d’assuétude à ce poison intellectuel, dont les propriétés délirantes sont aujourd’hui bien connues ? Rien ne permet de l’affirmer. Cependant il semble bien qu’il faille voir une

  1. Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales. Voir article « opium ».
  2. N. S. II, p. [numéro absent]