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L’INTUITIONNISME

dant intimement liés l’un à l’autre et confondus. Un de ces systèmes s’appelle le corps, l’autre s’appelle l’âme. Le premier est soumis à des excitants externes, dont la totalité constitue ce que nous appelons la nature ou le monde extérieur. L’autre système est primitivement soumis à des excitants internes, dont la totalité constitue l’Esprit ou le monde des Esprits (die Geisterwelt). »[1] En d’autres termes : nous avons deux espèces de perceptions, celles qui nous sont fournies par les sens extérieurs et qui constituent l’univers matériel, le monde extérieur, — et celles qui nous sont fournies par une sorte d’organe intérieur du rêve, qui nous met en rapport avec le monde intérieur des Esprits, avec le monde occulte de la Nuit mystique. Des rapports multiples peuvent s’établir entre ces deux ordres de perception ou de stimulants. Tantôt l’organe interne du rêve est soumis à une stimulation excessive : alors se produit le délire proprement dit « la Nuit par excès, par éblouissement ». Une intensité trop grande de l’influx spirituel provoque des maladies « sthéniques ». c’est-à-dire un excès d’irritabilité morale.[2] Ces maladies peuvent se ranger toutes sous la rubrique commune « d’exaltation délirante » (Schwærmerei). Ou bien l’organe interne du rêve est soumis à une stimulation spirituelle insuffisante et les excitants corporels et matériels prennent le dessus. Il en résulte un défaut d’activité imaginative, ce que Novalis, reprenant la terminologie du médecin écossais Brown, appelle les maladies « asthéniques » de l’esprit et qu’il

  1. N. S. II, 1, p. 306.
  2. N. S. II, 1, p. 2. Novalis reprend la théorie générale du médecin écossais Brown et sa division des maladies en sthéniques et asthéniques. On sait que pour Brown tous les faits biologiques étaient les manifestations d’une propriété fondamentale commune à tous les êtres organisés l’incitabilité. À l’état de santé correspond une stimulation d’intensité moyenne, et tout état morbide tient à ce que la stimulation est insuffisante (maladies asthéniques) ou excessive (maladies sthéniques). Tous nos efforts doivent donc tendre à régler convenablement l’usage des stimulants, de façon à maintenir l’organisme à un degré moyen d’incitation et toute la thérapeutique consiste à l’y ramener, lorsqu’il « en écarte dans un sens ou dans l’autre.