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Page:Spenlé - Novalis.djvu/185

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PHILOSOPHIE DE LA NATURE

demi allégorique de l’école de Freiberg. Il nous est parlé dès le début d’une « écriture chiffrée, qu’on découvre partout, sur les ailes, sur les coquilles d’œufs, dans les nuages, dans la neige, dans les cristaux et dans les pétrifications, sur les eaux qui se changent en glace, dans l’intérieur et sur la surface des montagnes, des plantes, des animaux, des hommes, dans les lumières célestes, sur les disques de poix ou de verre, lorsqu’on les touche ou qu’on les frotte, dans la limaille qui se suspend autour de l’aimant et dans toutes les conjonctures merveilleuses du hasard. »[1] C’est ce sanscrit mystérieux, cette langue primitive et sacrée, dont chaque vocable évoquait un être ou scellait une alliance, que des voyageurs viennent étudier au temple de Saïs. « Recueillir les débris de cette langue ou tout au moins toutes les indications qu’on en pouvait avoir, c’était le principal but de leur voyage, et une réputation de haute antiquité les avait attirés à Saïs. Ils espéraient que les hommes instruits, préposés à la garde des Archives du temple, leur fourniraient quelques renseignements ou qu’ils y découvriraient eux-mêmes les instructions nécessaires dans les grandes collections de toute espèce. »

En février 1798 Novalis envoyait à ses correspondants et collaborateurs romantiques un premier recueil de fragments sur la nature, qui parurent dans l’Athenæum sous le nom de « Poussière d’étamines », et il annonçait en même temps un fragment plus étendu, « Le disciple à Saïs ». Ce fragment, qui resta inachevé, ne parut pas du vivant de l’auteur. À la mort de celui-ci on crut même le manuscrit égaré, et il ne fut retrouvé que par le plus grand des hasards, chez la seconde fiancée de Novalis, Julie von Charpentier.

  1. N. S. I, p. 209. Cette conception cabalistique d’une écriture chiffrée de la Nature se retrouve dans l’enseignement ésotérique de la plupart des associations secrètes du temps. Voir : Hippel, Kreuz-und Querzüge des Ritters A bis Z, Berlin, 1793. II, p. 322 : « Les plumes et les fourrures des animaux contiennent des lettres qu’on peut lire comme un texte imprimé. Pareillement sur les fleurs, les plantes et les herbes on lit une écriture divine.