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Page:Spenlé - Novalis.djvu/186

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NOVALIS

Il parut dans l’édition posthume des œuvres du poète, avec le titre légèrement modifié : Les disciples à Saïs ».[1] On pourrait définir cette œuvre une rhapsodie philosophique et musicale sur la nature. Elle se compose d’une série de développements, rattachés par un lien très lâche, ou plutôt juxtaposés dans un même cadre. C’est là le caractère général de la composition littéraire chez Novalis, qui déjà nous est apparu dans les Hymnes à la Nuit et qui deviendra, dans Henri d’Ofterdingen, un procédé conscient. Les développements s’agrègent, les uns aux autres, comme les différentes parties d’une symphonie musicale. L’unité n’est que dans le sentiment, dans une certaine tonalité émotionnelle, qui se déroule en différents thèmes suivant une modulation tout intérieure. Point de récit à proprement parler, point de progression ni logique ni dramatique, mais une succession de monologues, de rêveries, de conversations, de « mélodies » philosophiques. On dirait une conversation d’ombres, pendant un long crépuscule, dans un paysage élyséen, avec, comme décor, les colonnades d’un temple. Du monde environnant, des choses en apparence inanimées montent des voix confuses, un accompagnement en sourdine qui se mêle aux paroles des interlocuteurs et finit même par imprégner leur pensée. Dans ce temple de la Nature les entretiens se font à voix basse, tant sont inattendues et profondes les Résonances qu’ils éveillent : la pensée se dépouille de tout artifice oratoire ou dialectique, assurée qu’elle est de se communiquer plus parfaitement, grâce à cette sympathie diffuse qui rayonne de partout. Les opinions échangées ne songent pas à se combattre, uniquement préoccupées de se fondre, de s’entremêler dans une même trame symphonique. Ainsi se révèle ce qui fait la grande originalité du style de Novalis : le dessin purement mélodique, la modulation mu-

  1. Les disciples à Saïs et une partie des fragments philosophiques de Novalis ont été présentés au public français dans une traduction de M. Mæterlink. (Mæterlink. — Les Disciples à Saïs. — Bruxelles 1894). Cette traduction est précédée d’une étude sur Novalis très initiatrice.