Aller au contenu

Page:Spenlé - Novalis.djvu/193

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
185
PHILOSOPHIE DE LA NATURE

tivité morale, voilà l’entreprise grandiose et unique qui résout toutes les énigmes des phénomènes multiples. »

Tout à coup surgit un personnage nouveau, un adolescent au regard fiévreux, le front enguirlandé de roses. « Tu n’as pas encore aimé, malheureux ; » s’écrie-t-il ; « au premier baiser un monde nouveau s’entr’ouvrira à toi ; avec lui la vie pénétrera par mille rayons dans ton cœur enivré. » Et pour illustrer sa pensée, il conte un apologue d’une exquise fraîcheur, la naïve histoire des amours d’Hyacinthe et de Petite-Fleur-des-Roses.

On reconnaît aisément dans ce charmant petit conte une transcription poétique de l’idylle de Grüningen. N’est-ce pas la figure enfantine et espiègle de Sophie, que nous retrouvons sous les traits de Petite-Fleur-des-Roses ? « On eût dit qu’elle était de cire, avec des cheveux de soie d’or, des lèvres rouges comme des cerises, une taille de poupée et des yeux ardents, noirs comme le corbeau. » Et voici le jeune fiancé, Hyacinthe, le jouvenceau fantasque, rêveur et capricieux, « qui se chagrinait pour des riens et des vétilles » et « tenait aux animaux et aux oiseaux, aux arbres et aux rochers, les propos les plus déraisonnables, et leur contait des histoires bêtes à mourir de rire. » Un beau jour un vieux sorcier, vêtu d’un costume bizarre est venu, on ne sait d’où, s’est assis devant la fenêire d’Hyacinthe, et il a commencé à lui conter les histoires les plus extraordinaires. Et, à partir de cette heure, c’en fut fait du bonheur de Petite-Fleur-des-Roses. Dans le cœur inquiet du jeune rêveur les récits merveilleux de l’Étranger ont éveillé une indicible nostalgie. Il lui faudra quitter parents, amis et la fiancée bien-aimée, tout son petit paradis idyllique, car son cœur troublé ne trouvera plus de repos que là-bas, bien loin, au pays féerique et enchanté où émerge, parmi les frondaisons élyséennes, le temple mystérieux d’Isis… Sans doute il faut reconnaître dans le vieux magicien les préoccupations mystiques et théosophiques, qui s’étaient emparées de l’esprit de Novalis, en pleine pé-