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Page:Spenlé - Novalis.djvu/194

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NOVALIS

riode de bonheur et l’avaient, alors déjà, détaché de l’objet de son amour terrestre.

La mort n’existe pas dans cet empire féerique. L’épisode de la mort de Sophie apparaîtra donc complètement transformé. C’est Hyacinthe qui s’en va, — poussé par une irrésistible nostalgie. « Partout il s’informa de la sainte déesse Isis, — auprès des gens et des bêtes, des rochers et des arbres. Quelques-uns rirent ; d’autres se turent. Personne ne lui fit de réponse. » D’abord il traversa un paysage aride et funèbre ; le temps lui sembla indiciblement long : ce sont les dispositions morales où ont été écrits les Hymnes à la Nuit. « Puis le trouble intérieur s’apaisa ; il devenait plus calme ; ce qui au-dedans de lui le poussait si impétueusement devint un attrait plein de force et de douceur, où se dissolvait son âme entière. » Dans ces dispositions nouvelles nous avons trouvé le disciple, au début du fragment. — Enfin il arriva au pays magique, à la porte du sanctuaire. « Il s’endormit au milieu de parfums célestes, car seul le rêve devait l’introduire dans le Lieu très Saint. Un enchantement le conduisit à travers des appartements innombrables, remplis d’objets étranges, et il était comme porté par des harmonies suaves et des accords variés. Tout prenait un aspect si familier et cependant frappait ses yeux par une splendeur insolite. Alors disparut toute aspiration terrestre, emportée comme un souffle, et il se trouva devant la Vierge voilée. Il souleva le voile subtil et glorieux et — Petite-Fleur-des-Roses tomba dans ses bras. » On se rappelle la lettre écrite quelques semaines après la mort de Sophie. « Avec quel ravissement je lui raconterai, quand je me réveillerai et me retrouverai dans le monde antique et primitif, depuis longtemps connu, et quand Elle se tiendra devant moi : Je rêvais de toi, je rêvais que sur terre je t’aimais ; ton image corporelle était à ta ressemblance, tu mourus… une courte minute d’angoisse se passa et je te suivis. » C’est là le motif fondamental et obsédant sur lequel s’est développée toute la vie imaginative, philosophique et artistique du poète, le