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Page:Spenlé - Novalis.djvu/204

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NOVALIS

pendant l’été qui a suivi la mort de Sophie.[1] « Le ciel était couvert ; il faisait si gris, si lourd : le vent soufflait son haleine brûlante et s’ébattait en des jeux étranges. Je me fuyais moi-même, abîmé dans mes réflexions, dévoré par un chagrin taciturne… » Cependant qu’il chemine morne, désespéré, soudain un compagnon inconnu surgit à ses côtés. C’est un enfant. « Joyeux il brandit sa baguette et me regarda avec un sourire. — Pourquoi te ronges-tu ainsi ? Sèche tes pleurs : voici ma baguette, prends-la et tu redeviendras joyeux. » — À peine le poète tient-il la baguette divinatoire, qu’un reflet d’or verdâtre s’échappe d’un buisson et glisse devant lui dans un éclair sinueux ; c’est la reine des serpents, qui fuit sous le crépuscule, portant sur sa tête un diadème scintillant. « Je m’approchai sans bruit et la touchai du rameau. Ainsi, par miracle, je devins indiciblement riche. » Évidemment, cette poésie présente un sens caché. La reine des serpents symbolise ici la mort. En effet, la même image se retrouve dans une poésie de Guillaume Schlegel, composée à propos de la mort d’Augusta Boehmer et qui fait partie de cette guirlande funéraire, à laquelle est si intimement mêlé le souvenir de Novalis. « Je pris l’escarboucle scintillante sur la tête du Serpent, la Mort », lisons-nous dans cette petite pièce. La baguette divinatoire désignerait donc les études nouvelles de Novalis sur la nature, où se rencontraient, de son propre aveu, beaucoup d’éléments alchimiques, théosophiques et occultistes, et qui lui faisaient entrevoir dans la mort même une source infinie de vie, des trésors magiques et inexplorés. Quant à l’Enfant, c’est manifestement une figure allégorique. On sait que l’Enfant revêtu d’un habit royal ou simplement couronné était chez les alchimistes le symbole de la pierre philosophale.[2] Ce symbole alchimique, en se combinant avec des motifs religieux chrétiens, dans certai-

  1. Elle se trouve classée, sans titre, parmi les varia du poète, no III. N. S. I, p. 348.
  2. Poisson — Théories et symboles des alchimistes, Paris, 1891.