Aller au contenu

Page:Spenlé - Novalis.djvu/219

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
211
PHILOSOPHIE DE LA NATURE

rien Jean de Müller firent longtemps partie d’associations occultes qui se rattachaient à l’ordre de la Rose-Croix. Il n’était guère d’Allemand cultivé, qui ne fit partie au moins d’un Ordre secret, maçonnique ou autre. Lessing, Herder, Fichte, Gœthe appartenaient à la Franc-Maçonnerie. Gœthe, Herder et Pestalozzi avaient aussi été initiés, ainsi que la cour de Weimar, à l’Ordre des Illuminés de Weishaupt. De plus en plus se dessinait dans la Franc-Maçonnerie un mouvement mystique et théosophique : une des grandes questions à l’ordre du jour était l’établissement d’une philosophie religieuse, symboliste et magique de la Nature. Du magnétisme animal on pensait tirer une sorte de théorie scientifique de la magie, qu’on opposait au rationalisme et au matérialisme philosophique.[1]

À diverses reprises Ritter mentionne ses observations personnelles sur le somnambulisme artificiel. Il voit dans ce dernier un état éminemment « religieux » de l’âme humaine, un état de foi et de clairvoyance supérieure. Il raconte certaines expériences qu’on instituait entre initiés et qui ressemblent, de tous points, aux phénomènes d’écriture automatique.[2] « La plupart de ces phénomènes », raconte Schubert, qui fut l’ami intime de Ritter et sans aucun doute un des initiés, — « se produisaient dans les moments d’exaltation religieuse ou ils avaient coutume d’affecter ce caractère. »[3] C’est dans cette atmosphère magique qu’il faut replacer les Hymnes à la Nuit de Novalis, pour en comprendre les secrètes intentions. Il se trouve du reste parmi les fragments publiés par Ritter un fragment d’Hymne à la Nuit, qui pourrait bien être de la main même de Novalis. Schleiermacher, mis au courant de ces singulières pratiques par

  1. Mesmer et ses disciples, quoique rationalistes, fondaient cependant sur le magnétisme animal une conception mystique et magique de la Nature Voir : « Système raisonné du magnétisme universel », Ostende. 1786, particulièrement les chapitres intitulés : « du Somnambule devin », « du Somnambule philosophe », « du somnambule poète » etc., etc.
  2. Ritter. — Nachlass etc. op. cit. p. LXII et LXIII.
  3. Schubert — Ansichten von der Nachtseite der Naturwissenschaft, 1808, — p. 339 et p. 353.