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Page:Spenlé - Novalis.djvu/228

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NOVALIS

« Fer, dit-il, lance ton épée dans le monde, afin qu’ils sachent où repose la Paix » (c’est-à-dire Freya).

La scène change. La recherche de la Paix, de Freya, c’est un élément plus particulièrement moral et humain introduit dans l’univers. Il faut que la nature devienne morale et inversement que la morale devienne « un système de la nature » : l’Amour seul peut réaliser ce miracle, car il est à la fois une force naturelle et instinctive et une puissance de transformation spirituelle. La scène où se joue le drame de cette nouvelle époque mondiale, est la Terre et plus particulièrement l’Âme humaine. Un intérieur familial en offre la représentation allégorique la plus parfaite. Au centre, un berceau où dort un enfant : c’est Éros, personnification de l’Amour. Les destinées de l’univers reposent sur cet enfant. Il est le héros prédestiné qui doit éveiller dans son sommeil la Vierge cosmique, car la réunion de ce couple primitif et symbolique amènera seule l’âge d’or. Autour d’Éros se groupent les diverses activités de l’âme : sa sœur de lait, Fable, représente la poésie naïve de l’enfance, chère aux romantiques ; — et puis, voici Ginnistan, à l’écharpe bigarrée, la nourrice des deux enfants, c’est-à-dire l’imagination capricieuse de la Nature, la « folle du logis », — enfin c’est le Scribe gribouilleur, à la figure décharnée, image allégorique de l’intellect scientifique, qui, avec force contorsions, couvre ses tablettes de notes parfaitement illisibles. Le Père des enfants, — le « Sens » (der Sinn) ou encore la réalité sensible, — engage avec lui une longue conversation tandis que la Mère, — en qui on reconnaît le Cœur et les facultés affectives, porte au dehors les objets du ménage et se voit vertement tancée par l’intellect utilitaire et égoïste. Au fond, près d’un autel, est appuyée Sophie, la divine Sagesse. Elle tient dans une coupe un liquide miraculeux. « Celui qui a le bonheur de connaître et de savoir préparer dans sa quintessence cette eau merveilleuse », disent les écrits alchimiques,[1] « est un vrai fils de la Sagesse. » Dans la Bible théosophique

  1. Voir Compass der Wesen, op. cit. p. 278 (note).1