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Page:Spenlé - Novalis.djvu/244

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NOVALIS

d’une combinaison chimique quelconque, ne sont explicables que si nous leur attribuons une sensibilité et une volonté. Autrement, sur quoi repose au fond la doctrine chimique, généralement admise, de l’affinité élective des corps, sinon sur la supposition inconsciente qu’en réalité les atomes qui s’attirent et se repoussent, sont doués de certaines tendances, et qu’en suivant ces sensations ou impulsions ils possèdent aussi la volonté et la capacité de se rapprocher ou de s’éloigner les uns des autres. »

C’est précisément le rôle de la poésie et plus particulièrement du « Mærchen » de formuler cette conception animique de la nature. Car les lois inflexibles, ne sont, aux yeux du poète romantique, que provisoires, Ce sont des « lois d’habitude » (Gewohnheitsgesetze), — c’est une « seconde nature mécanique » qui s’est greffée sur la première, un automatisme inerte qui emprisonne l’élan spontané de la vie, au risque de l’étouffer, mais qui s’évanouira comme un cauchemar lorsque, sous l’action de stimulants appropriés. se réveillera « la ville magique et pétrifiée ». Sous une forme à la fois humoristique, idyllique et fantastique le « Mærchen » développe, cum grano salis, cette pensée profonde. Il se nuance d’humour. — car c’est le propre de l’humour de nous présenter, dans un alliage imprévu, la nature mêlée à l’esprit, le conscient uni à l’automatique, tous deux à la fois contrastants et identiques. Et puis il nous introduit dans un monde idyllique, dans un coin vierge de la nature, dans un univers primitif qui s’organise suivant une spontanéité interne. De là son « amoralité ». Le rêve est peut-être ce qui dans la réalité ordinaire nous en donne le mieux l’équivalent. Car le rêve lui aussi est un produit direct de l’âme de la nature en nous — « eine Naturseelenwirkung » — ; c’est l’âme des forces élémentaires et des instincts primitifs qui pendant le sommeil s’éveille dans l’homme. « Par le sommeil », disait Ritter, « l’homme retombe dans l’organisme universel. Ici son vouloir est immédiatement celui de la nature, et inversement. Les deux ne font plus qu’un. Par