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Page:Spenlé - Novalis.djvu/283

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LA RELIGION NATURISTE

Veit, « mais c’était une voix dans le désert. Finalement Guillaume (Schlegel) ne voulut pas l’admettre sans une note explicative, à laquelle Schelling se refusa. Gœthe fut choisi comme arbitre, et s’est absolument opposé à la publication. Vive Gœthe ! »[1] Seul Guillaume Schlegel avait donc opiné dès le début avec Dorothée, pour le rejet. « J’étais déjà auparavant de cet avis, mais la majorité l’emporta et j’en appelai à Gœthe. »[2] Nonobstant la sentence de Gœthe, il ne semble nullement, comme voudrait le faire croire Tieck, encore trompé par ses souvenirs, que Novalis ait renoncé à la publication de son pamphlet. En janvier 1800 le manuscrit se trouve à Iéna, entre les mains des Schlegel, prêt à être mis sous presse. Mais l’auteur se ravise : au lieu d’en faire un article de revue, il songe à le publier sous forme de livre, avec quelques sermons et discours politiques, qui sans doute devaient eu compléter la pensée. « Renvoyez-moi l’« Europa » ; j’ai d’autres projets. Avec des modifications elle peut rejoindre quelques autres discours et être imprimée avec ceux-ci. »[3] Les motifs sont donc difficiles à comprendre, qui ont déterminé Tieck, dans l’édition posthume du poète, à frapper particulièrement cette œuvre d’ostracisme.

Si la manière d’agir de Tieck, devenu plus tard l’adversaire du romantisme catholique, ne semble pas exempte de parti-pris, encore moins saurait-on approuver Frédéric Schlegel, chargé avec lui de la publication posthume des œuvres de Novalis et qui, en 1826, dans la quatrième édition, glissa, à l’insu de son co-exécuteur testamentaire, la pièce litigieuse. Ce qui aggravait son cas c’est que, lui-même converti au catholicisme, il livrait l’œuvre tronquée, après en avoir retranché au préalable toute la conclusion, nettement hostile au catholicisme romain, — et précisément à une épo-

  1. Aus Schleiermacher’s Leben, op. cit., I, 3. p. 143.
  2. Ibid., p. 143.
  3. Raich, op. cit. p. 133. Il s’agit de quelques « modifications ». comme on voit — mais de là à prétendre ou à taire entendre que Novalis ait renié cette œuvre, il y a loin.