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Page:Spenlé - Novalis.djvu/284

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NOVALIS

que où les polémiques religieuses entre protestants et catholiques passionnaient tout particulièrement l’opinion publique en Allemagne. La coupure était, trop opportune pour qu’on pût, avec quelques critiques catholiques, voir dans cette omission providentielle l’erreur d’un prote inintelligent.[1]

La dissertation de Novalis s’ouvre, par un tableau idyllique du catholicisme médiéval. Dans une œuvre de Herder, parue en 1774 sous le titre : « Encore une philosophie de, l’histoire de l’humanité », se trouve déjà esquissée dans ses grandes lignes la réhabilitation romantique du Moyen-âge. Celui-ci, d’après l’auteur, a été l’époque des fortes et nobles passions, l’époque de la foi vivante et créatrice, où se sont préparées les profondes assises morales et religieuses de l’humanité moderne. Au contraire il ne veut voir dans notre prétendue « civilisation » rien qu’un industrialisme prosaïque et utilitaire, une idéologie froide, un mécanisme scientifique aride, où se trouvent refoulées et comprimées les spontanéités profondes de l’instinct et du sentiment. « Quoi qu’il en soit », dit-il en s’adressant aux « barbares » du Moyen-âge, « rendez-nous un peu de votre piété et de vos superstitions, de vos ténèbres et de vos ignorances, de vos mœurs déréglées et grossières, et débarrassez-nous-de nos lumières et de notre scepticisme, prenez notre froideur impuissante, nos raffinements, notre langueur raisonnante et toute notre misère humaine. »

C’est plus particulièrement sur le terrain religieux que Novalis engage le débat. Il fut un temps, dit-il, où elle a existé, l’Europe chrétienne, pacifique confrérie des peuples croyants, soumis à la même autorité spirituelle. D’une main brutale et sacrilège, la Réforme a sapé par la base

  1. M. Raich a essayé de disculper Frédéric Schlegel. Le passage retranché se trouvait, dit-il, déjà à l’état de fragment dans les éditions antérieures. Si Schlegel avait voulu le faire disparaître, il l’aurait supprimé aux deux endroits à la fois. Mais n’était-il pas plus simple de le rétablir à l’endroit qui seul lui donnait son vrai sens ? Sans compter que dans les éditions antérieures se trouvaient encore, à l’état de fragments, d’autres passages, que Schlegel n’a nullement songé à retrancher du texte complet, pour cause de double emploi.