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Page:Spenlé - Novalis.djvu/285

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LA RELIGION NATURISTE

l’édifice admirable. Les protestants « établirent bon nombre d’excellents principes, instituèrent en masse des nouveautés fort recommandables, abolirent une foule d’abus ; mais ils perdirent de vue Ce qui devait être l’aboutissement de leur entreprise : ils séparèrent l’inséparable, divisèrent l’Église indivisible et par un déchirement criminel, ils s’isolèrent de l’universelle communion chrétienne, par laquelle et dans laquelle seulement la vraie, la durable régénération pouvait aboutir… Ainsi, par une entreprise sacrilège, la religion fut emprisonnée dans des frontières politiques ; de la sorte fut établi le principe qui amena la disparition de l’intérêt religieux cosmopolite… Avec la Réforme c’en fut fait de la Chrétienté. Désormais elle n’existait plus. »[1]

Essentiellement révolutionnaire et destructeur, le protestantisme, en regard du catholicisme médiéval, n’a eu, d’après Novalis, qu’une valeur toute négative. L’ancien catholicisme représentait l’élément « positif », c’est-à-dire la tradition organisatrice et plastique, la foi poétique et créatrice, d’où sont issus les grands « mythes » chrétiens. Quant à la Réforme elle a pris dès le début un caractère polémique, critique et doctrinaire. Son cheval de bataille a été le Livre, son arme s’est appelée l’Exégèse ; à la tradition elle a substitué le fanatisme biblique, l’attachement servile à la Parole écrite, à la « lettre » imprimée. Et c’est pourquoi elle se trouve frappée d’impuissance poétique, figée dans une théologie aride ou déchirée par des polémiques stériles. Incapable de produire mie poésie religieuse vraiment vivante et populaire, le protestantisme s’est allié à l’ennemi irréductible de toute religion, au philosophisme moderne, à l’esprit rationaliste, à la libre-pensée. Cette alliance n’a fait du reste qu’achever l’œuvre de dissolution religieuse, déjà entamée par Luther et qui devait inévitablement aboutir à une irréligiosité systématique, à un athéisme intégral. La France a été le foyer de la propagande nouvelle, matérialiste et athée ; la Révolution française est la conséquence

  1. N. S. II, 2, p. 404 et suiv.