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Page:Spenlé - Novalis.djvu/305

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CHAPITRE VII
HENRI D’OFTERDINGEN

WILHELM MEISTER ET FRANZ STERNBALD


Une figure apparaît dans les cercles littéraires d’Iéna, entourée d’un respect quasi-religieux, — celle de Gœthe, du « grand chancelier de la poésie sur terre », comme on l’appelait parfois dans l’intimité. Dans le petit cénacle romantique il fut d’abord compris, encensé, adulé, non sans exagération bruyante. « Les Schlegel courtisent extraordinairement Gœthe », écrivait Mme Fichte à son mari, « journellement l’un d’entre eux lui rend visite. Leur nouveau journal, l’Athenæeum, ne s’occupe que de lui et de toi. » — « Il vit continuellement parmi nous, » annonçait triomphalement Caroline Schlegel : « hier j’ai soupé à côté de lui ; aujourd’hui je soupe chez lui et prochainement je donnerai une fête en son honneur. »[1]

S’il entrait dans ce culte une part de sincère admiration pour le grand classique, il s’y glissait, au moins pour autant, le désir d’humilier son illustre ami et rival Schiller, que des antipathies personnelles, provoquées et entretenues par des jalousies féminines, vouaient à l’animadversion des cercles romantiques. On affectait à l’égard de ce dernier une ignorance systématique et les louanges décernées

  1. Raich, op. cit., p. 80.