Aller au contenu

Page:Spenlé - Novalis.djvu/339

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
331
HENRI D’OFTERDINGEN

d’une manière générale l’histoire primitive et véritable ; ce qu’on appelle communément histoire, n’est qu’une histoire dérivée. »[1] C’est pourquoi l’historien romantique se retirera loin des agitations superficielles de la vie contemporaine pour prendre conscience, au sein de l’isolement et de la nature, des destinées éternelles, des grandes puissances religieuses de la vie et de l’histoire, qui unissent l’avenir au présent et au passé le plus reculé.

L’antique chevalerie, l’orient, la nature, l’histoire ont été révélés à Henri ; il faut qu’il reçoive encore la consécration suprême : la consécration par l’amour et l’adoption par la poésie.

Couverts de poussière, les voyageurs entrent dans Augsbourg, le terme de leur voyage, — et approchent de la demeure du vieux Schwaning. Déjà ils aperçoivent la maison hospitalière, tout illuminée, et une musique de danse arrive à leurs oreilles, en flots bourdonnants. Après la première surprise et les larmes d’un doux revoir, Henri et sa mère sont introduits dans la salle de fête. Deux visages ont du premier coup frappé les regards éblouis du jeune homme. C’est d’abord celui d’un personnage, que dans le livre de l’ermite il avait souvent aperçu à ses côtés : « La noblesse de son maintien le distinguait de tous les autres. Son visage respirait une gravité sereine ; un front découvert, bombé avec grâce, de grands yeux noirs, pénétrants et fermes, une expression malicieuse autour de la bouche souriante, l’absolue pureté des traits et les proportions toutes viriles de sa stature le rendaient intéressant et attrayant. Il était d’une forte taille, ses gestes étaient calmes et expressifs et là où il se tenait il semblait vouloir se tenir éternellement. » C’est le poète Klingsohr, figure idéalisée de Gœthe.

Sa fille Mathilde n’a pas fait une impression moins profonde sur le cœur de l’étranger : « Elle semblait être l’esprit du père en sa plus gracieuse incarnation. Ses grands

  1. N. S. II, 2, p. 489.