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Page:Spenlé - Novalis.djvu/364

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NOVALIS

lusoire, puisque c’est l’imagination du poète qui invente, combine et arrange tout. Au moyen du « Mærchen » il nous permet simplement de jeter un coup d’œil dans le laboratoire secret de son imagination, il nous laisse entrevoir dans le lointain, dans une perspective encore trompeuse, les ébauches de « réussites » nouvelles, qui ne pourront se réaliser que progressivement, après une longue série de combinaisons intermédiaires.

Ce n’est pas seulement, par la conception philosophique générale et par les procédés de construction artistique qu’on pourrait définir chez Novalis cette esthétique allégorique du rêve, mais aussi par une valeur expressive toute nouvelle du langage poétique. On a déjà vu qu’un des caractères essentiels du symbole artistique, c’est d’être éminemment suggestif. Le poète ne doit pas raconter ni décrire seulement : ce sont là des procédés d’art subalternes, qui appartiennent plutôt à la prose et que l’artiste a sans doute en son pouvoir, mais qu’il n’emploie jamais pour eux-mêmes. Son art consiste avant tout à « évoquer », et pour cela il faut que lui-même Se double d’un « ensorceleur ». Ce qui importe en effet c’est moins la pensée ou l’image qu’il présente toutes faites au lecteur, que la disposition intuitive ou affective, la tonalité émotionnelle, l’état de croyance et de rêverie qu’il suscite chez ce dernier. La poésie, dira Novalis, est « une représentation du Gemüt, du monde intérieur, dans son intégralité. » Ailleurs il la définit encore « une peinture et une musique intérieures… On cherche par la poésie — qui ne sert en quelque sorte que d’instrument — à susciter des dispositions, des tableaux et des visions tout internes, peut-être même des danses spirituelles. La poésie est l’art du dynamisme psychique (Gemütserregungskunst). »[1] Il précise ce qu’il entend par ces dispositions : « le mot disposition (Stimmung) indique des relations musicales de l’âme (musikalische Seelenverhæltnisse). Cette acoustique de l’âme est encore un domaine ténébreux, peut-être de la plus haute im-

  1. N. S. II, 2, p. 363 et p. 280-281.