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ÉPILOGUE

particulière de l’œuvre de cet auteur. Située au confluent de deux siècles et de deux époques très différentes, tournée d’une part vers l’Allemagne religieuse et piétiste du 18me siècle, d’où elle tire sa substance intime, et d’autre part vers l’Allemagne romantique du 19me siècle qu’elle annonce et prépare déjà, elle établit entre ces deux époques des termes de liaison innombrables ; elle est, malgré son caractère incomplet, un chaînon de première importance dans une longue évolution religieuse et artistique, — un chaînon, sans lequel bien des séries voisines ou apparentées ne se rejoindraient pas nettement sous nos yeux. Elle révèle en même temps un des aspects les plus originaux de cette mentalité romantique, profondément inhérente à la race germanique, préparée et comme accumulée par des siècles de religiosité mystique et de repliement intérieur, refoulée un instant par la culture rationaliste et classique du 18me siècle, mais toujours présente et populaire alors même que dissimulée, et qui, au 19me siècle, est parvenue à la conscience théorique d’elle-même la plus distincte, parfois la plus aiguë et la plus douloureuse, dans la philosophie d’un Schelling ou d’un Schopenhauer et enfin a reçu dans le drame wagnérien son expression artistique la plus compréhensive en même temps que la plus profondément religieuse et nationale. C’est avec la pensée d’esquisser un chapitre de cette évolution philosophique et artistique que nous avons pris l’empreinte, jusque dans ses moindres particularités, de cette figure expressive de poète.

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