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Page:Spenlé - Novalis.djvu/417

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LES COURANTS D’OPINION

Ainsi le romantisme qui, dans la pensée de ses premiers représentants avait été un mouvement de renaissance purement philosophique et artistique, devenait de plus en plus une doctrine de gouvernement. Cette doctrine on la trouve exposée non seulement chez les partis catholiques, dont les sympathies allaient généralement à la cour d’Autriche, mais aussi chez tout le parti conservateur protestant et piétiste, qui menait dans l’Allemagne du Nord l’œuvre de réaction contre les aspirations constitutionnelles et libérales et qui trouvait un puissant appui dans la personne même du roi de Prusse, Frédéric-Guillaume IV, disciple de Haller, — « le romantique couronné » ainsi qu’on l’a souvent appelé. — À cette Allemagne « romantique », conservatrice et plus ou moins sincèrement bigote, s’opposait à présent une Allemagne « libérale » qui, par l’organe de la presse et de la littérature, s’efforçait de provoquer un mouvement général d’opinion et entreprenait une révision générale des « valeurs » philosophiques, morales, et artistiques du passé. Deux groupes, apparentés à plus d’un égard, se montraient plus particulièrement actifs : le groupe des écrivains de la « Jeune Allemagne » et le groupe des théoriciens « radicaux » ou des « néo hégéliens » d’extrême gauche. Les uns et les autres subissaient l’influence de la philosophie d’Hegel et des doctrines libérales françaises.

Ce que les écrivains de la « Jeune Allemagne » voulaient, c’était moins une révolution politique (la plus grande confusion régnait à cet égard encore dans leur pensée) qu’une révolution morale, à la fois religieuse et artistique. « Monarchie ou république, institutions démocratiques ou aristocratiques sont choses indifférentes écrivait Heine à Laube — tant que la lutte au sujet des principes vitaux, au sujet de l’idée même de la vie, n’est pas encore décidée… Nous voulons une religion saine, pour que les mœurs redeviennent saines… ». Et c’est d’avoir altéré cette santé morale de l’humanité qu’ils accusaient le romantisme et d’une manière générale tout le christianisme moderne. Ces griefs se