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Page:Spenlé - Novalis.djvu/440

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NOVALIS DEVANT LA CRITIQUE

nouvelle, où se fondent les aspirations scientifiques, philosophiques et religieuses de l’humanité ? Faut-il voir dans la confusion romantique des genres, des arts différents et de leurs moyens d’expression, l’idéal vers lequel s’orientera l’esthétique de l’avenir ? Ce sont là des problèmes qui dépassent les limites d’un exposé historique. Le principal défaut du livre de Mme Huch — qui en fait aussi un des grands attraits — c’est que l’auteur a voulu écrire sur le romantisme un livre vraiment « romantique », c’est-à-dire pénétré de l’esprit et des méthodes romantiques. Or, un des axiomes fondamentaux de cette philosophie c’est que la poésie et la légende sont plus vraies que la réalité et l’histoire, c’est que le rêve et l’illusion géniale sont préférables à l’observation méthodique et scientifique des faits. Ce principe, défendable en spéculation et en art, aboutit inévitablement dans la pratique à de graves contradictions, dont la pensée et la vie même des auteurs du premier romantisme nous fourniraient plus d’un exemple. — Et ces contradictions apparaissent aussi dans l’étude de Mme Ricarda Huch. Elle nous présente d’abord ces jeunes révolutionnaires, pareils « aux blonds Germains, fiers aventuriers, sûrs de la victoire, portant au cœur l’orgueil sacré de leur coutume et de leur vie, jetant à bas, avec un sourire hautain et méprisant, l’édifice branlant de l’ancienne civilisation » (p. I). — Mais force lui est bien de reconnaître qiue, vus de plus près, ces fougueux conquérants sont de chétifs personnages, des caractères faibles et indécis. « En cela consiste le manque de virilité (diese Unmænnlichkeit) qui était propre à la plupart, des romantiques » (p. 133). — Il nous est parlé de leur « optimisme d’aigles » (Adler-Optimismus) de leur foi inébranlable (p. 112), — mais nous voyons bien qu’au fond c’étaient des âmes inquiètes, troublées, incapables d’un effort prolongé, aussi bien dans la production artistique que dans la vie ordinaire. Très justement l’auteur les appelle les « hommes crépusculaires » (Dæmmerungsmenschen), c’est-à-dire des âmes féminines, un peu maladives, qui aiment à s’exalter