Aller au contenu

Page:Spenlé - Novalis.djvu/441

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
53
LES COURANTS D’OPINION

dans des ivresses factices, à s’isoler dans des paradis artificiels (p. 103). — Ils ont au cœur un idéal d’amour mystique et d’éternelle fidélité, — mais ils se plaisent aux liaisons problématiques et passagères (p. 264). — Ils ont voulu donner leur « moi » comme contenu à leur art et à leur philosophie — mais ce « moi » ils l’ont cherché sans cesse, sans jamais le trouver ; il leur manquait « une habitation aux assises solides » pour abriter leur âme, et leur lyrisme même, comme aussi leur pessimisme, n’est parfois qu’une forme distinguée du cabotinage : « ce n’est pas un simple hasard, si la manie du théâtre a pris un caractère épidémique à l’époque du romantisme » (p. 137). — Il y a ainsi dans l’histoire du romantisme deux parts très distinctes — le rêve et la réalité, la légende et les faits, la théorie et la pratique. Mme Ricarda Huch en a eu certainement l’intuition. Mais elle a résolument opté pour le rêve et la légende, laissant à d’autres la tache plus ingrate, mais non inutile, de retrouver sous cette légende poétique la réalité historique et psychologique complète.

Il nous reste encore — avant d’aborder les problèmes particuliers qu’a soulevés l’œuvre de Novalis — de passer rapidement en revue les jugements portés sur celle-ci par quelques représentants de la Critique étrangère.

LA CRITIQUE ÉTRANGÈRE


En Angleterre Novalis a été présenté par le grand initiateur aux études germaniques, Carlyle (Miscellanies, London, 1847. II, p. 27 ss.). Les préfaces de Tieck ont été la principale source où celui-ci a puisé : c’est dire que nous nous trouvons en présence de la légende romantique. Mais cette légende a subi chez Carlyle quelques modifications caractéristiques. Novalis est devenu une sorte de puritain mystique, un apôtre « de la grande doctrine du Renoncement ». Carlyle