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Page:Spenlé - Novalis.djvu/448

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NOVALIS DEVANT LA CRITIQUE

toire de sa vie et de sa pensée n’est qu’un long reniement de l’idéal révolutionnaire, qui avait enthousiasmé sa jeunesse. « Novalis, qui dans ses lettres de jeunesse se déclare ouvert à toutes les forces intellectuelles de progrès, qui appelle de ses vœux une St-Barthélemy du despotisme, qui professe des sympathies républicaines, qui écrit au sujet du procès d’athéisme intenté à Fichte : « Le brave Fichte combat à vrai dire pour nous tous » (entre parenthèses, la phrase n’est pas de Novalis mais elle est tirée d’une lettre d’Aug. Wilh. Schlegel, voir : Raich. Novalis Briefwechsel, p. 99). « Novalis finit par saluer dans le roi l’image terrestre du Destin, il en arrive à condamner le protestantisme comme une force révolutionnaire, à glorifier la puissance temporelle du pape et à présenter l’apologie du jésuitisme » (op. cit. II, p. 6). Ailleurs l’auteur esquisse un parallèle -— quelque peu poncif — entre le poète aristocrate, le fonctionnaire loyaliste de Weissenfels, et les va-nu-pieds de la Révolution, qui couraient à la frontière en chantant la Marseillaise (ibid. p. 202). Ou bien encore il oppose Novalis au poète révolutionnaire Shelley. « Pour Novalis la Vérité s’appelait Poésie et Rêve, pour Shelley elle s’appelait Liberté. Novalis la cherchait dans une Église immuable et puissante, Shelley dans une hérésie militante. Le premier la faisait s’asseoir sur le trône et sur le siège pontifical ; le second secouait le joug de toute autorité » (ibid. p. 221).

Est-il besoin de signaler, non seulement ce qu’il y a d’artificiel dans de pareils parallèles, qui isolent les hommes de leur entourage et de leur époque, — mais aussi ce qu’il y a d’excessif et même de complètement erroné dans ce réquisitoire brillant ? M. Brandes, pour les besoins de la cause, attribue vraiment une importance exagérée aux aspirations révolutionnaires du jeune étudiant, qui se réduisaient à quelques tirades sonores, Combien cette conception d’une « évolution » politique chez Novalis paraît invraisemblable si on songe qu’en 1792. au moment où il était encore en pleine effervescence révolutionnaire, il son-