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Page:Spenlé - Novalis.djvu/454

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NOVALIS DEVANT LA CRITIQUE

nous vu dans notre étude des H. à la N., des témoignages plus précis et que M. Bing a entièrement négligés. Dans une lettre datée de Berlin, mais qui fait manifestement allusion à des évènements déjà anciens, Frédéric Schlegel se rappelle avoir feuilleté les « papiers » de son ami, pendant un séjour qu’il fit à Weissenfels en été 1797, et y avoir découvert « les indications splendides d’une poésie et d’une religion nouvelles de la mort » (Raich, op. cit. p. 130). À quelle œuvre ces lignes peuvent-elles s’appliquer sinon précisément aux H. à la N. ? — À ces arguments biographiques M. Bing ajoute des arguments d’ordre psychologique. L’auteur croit à la sincérité absolue de l’amour de Novalis pour Sophie et de son deuil, lorsque mourut cette dernière. Il fallait donc qu’une assez longue période s’écoulât pour permettre à la douleur de s’exprimer sous une forme artistique. M. Bing s’exagère beaucoup, croyons-nous, la profondeur réelle de cette douleur qui, dès le début, affecta la forme d’une attitude toute philosophique et poétique. C’est ici qu’une analyse psychologique serrée de la personnalité du poète eût été nécessaire, — analyse que M. Bing n’a même pas essayée. Qu’est-ce que cette « Nuit » mystérieuse à laquelle sont dédiés les chants de Novalis ? L’auteur ne cherche pas à en approfondir le sens. Il constate simplement que la Nuit est le contraire du Jour, et qu’en célébrant la Nuit le poète a manifesté son antipathie pour le Jour. « Alors la question se pose au sujet de notre poésie : d’où vient cette antipathie du poète pour le Jour ?… Je suis obligé de l’avouer : je ne puis m’expliquer jusqu’à présent d’où a pu venir cette antipathie » (Bing. — Novalis, Eine biographische Charakteristik, Hamburg und Leipzig, 1893, p. 113). — Enfin M. Bing invoque encore des arguments d’ordre artistique. Il voit dans les H. à la N. l’œuvre la plus parfaite, au point de vue formel, de Novalis. Elle ne peut donc paraître l’œuvre d’un débutant. C’est ici que l’argumentation de l’auteur devient tout à fait déconcertante. En effet à tout lecteur non prévenu les H. à la N.