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Page:Spenlé - Novalis.djvu/455

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LES PROBLÈMES

présentent une succession incohérente de fragments lyriques disparates, les uns écrits en vers libres, les autres en prose rythmée, les autres groupés en strophes régulières. M. Bing, qui prétend découvrir dans cette succession bigarrée une « progression admirable », se trouve, dès qu’il essaye d’analyser cette progression, en présence de lacunes et d’incohérences inexplicables. Déjà dans le premier hymne il note ce qu’il appelle deux « sauts ». Après l’invocation du début, dit-il, « survient une brusque transition ou plutôt un saut (ein Sprung) et nous tombons tout à coup dans la Nuit mystérieuse » (op. cit. p. 103). Après le premier saut en profondeur, le commentateur nous invite à en faire un second, en hauteur cette fois. « Encore un saut — lisons-nous quelques lignes plus bas — et cette fois-ci nous nous élevons ». — Entre le second et le troisième hymne, voilà qu’il faut sauter de nouveau. « Tout à coup, — nous faisons un nouveau saut et un nouveau développement commence » (op. cit. p. 104). Après ces trois sauts successifs, le troisième hymne nous surprend enfin « comme la délivrance heureuse d’une femme qui accouche » !! (sic)(op. cit. p. 105). Et nous ayant ainsi conduit de cahot en cahot et d’accident en accident, l’auteur conclut : « J’ai le courage de l’affirmer : cette composition analogique et progressive, qui dans l’ensemble de l’œuvre met une sorte de gradation, n’est pas le produit d’un instinct organisateur aveugle, mais d’un art conscient et libre » (op. cit. p. 106). Cette affirmation si « courageuse » contraste quelque peu avec l’aveu modeste d’incompétence auquel nous avons vu l’auteur se résigner un peu plus haut.

M. Bing n’a pas fait école. Dans une étude plus récente sur la poésie lyrique de Novalis, M. Busse reprend une hypothèse antérieurement formulée. M. Dilthey, on se le rappelle, avait déjà pressenti que le texte des H. à la N., tel que l’apportait l’édition Tieck, devait avoir subi des remaniements postérieurs. M. Rom. Wœrner avait même cru pouvoir dégager, sous la version en prose, une version ré-