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Page:Spenlé - Novalis.djvu/470

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NOVALIS DEVANT LA CRITIQUE

lement, il rompit avec ce piétisme étroit et sectaire, pour annoncer un christianisme « moderne », dont l’organisation ecclésiastique se confondrait, selon lui, de plus en plus avec les fonctions de la société civile et qui serait annoncé, non plus du haut de la chaire, mais par la presse, par la littérature et le théâtre. Dans une Étude qui paraissait sous forme d’article, en 1861, il présentait Novalis comme un des apôtres de ce christianisme éminemment « moderne » (« Novalis als religiœser Dichter » — dans : Rothe, Gesammelte Vortræge und Abhandlungen, Elberfeld, 1886, p. 64 ss).

Le romantisme a eu le grand mérite, d’après Rothe, d’avoir essayé de concilier la culture moderne avec la vie religieuse. Mais il s’est arrêté à mi-chemin. Il n’a opéré la conciliation que dans le domaine de l’art et de la vie imaginative. Un seul auteur fait exception à la règle : c’est Novalis. Chez lui non seulement l’imagination, mais la pensée et le sentiment étaient profondément chrétiens. Son panthéisme n’est que de surface : C’est un amusement spéculatif de sa raison. Le fond c’est le christianisme, — non un christianisme dogmatique et sectaire, mais une sorte de « christocentrisme », c’est-à-dire un rapport individuel avec la personne du Christ, mise au centre de la vie et du monde. C’est là une de ses grandes originalités, — d’avoir su établir ce rapport profond et personnel, en dehors de toutes les confessions et de toutes les doctrines établies. — Et sa seconde originalité, non moindre, est d’avoir donné une forme toute moderne à sa foi religieuse. Il ne l’a pas isolée du monde et de la nature, dans une région inaccessible ; il a au contraire planté le christianisme au cœur même de toute son activité philosophique, scientifique et poétique, — il l’a introduit dans un domaine, où l’ancienne théologie ne voyait qu’une terre maudite : dans les sciences de la nature ; il a effacé les limites du profane et du sacré, en retrouvant dans la nature même un sens auguste et sacré. — Mais que faut-il penser des « sympathies catholiques » de Nova-