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Page:Spenlé - Novalis.djvu/475

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LES PROBLÈMES

diévale et de la scission néfaste amenée par le protestantisme. Il semble même renchérir sur eux. Mais cette œuvre, si on la met en regard de la piété chrétienne qui a inspiré les Hymnes spirituelles, ne peut être considérée que comme une sorte d’aberration » (G. A. L. Baur, Novalis als religiœser Dichter, Leipzig, 1877, p. 35 s.). L’auteur oublie que chronologiquement cette dissertation de Novalis précède les conversions romantiques, et que, s’il faut absolument chercher un précédent à l’ « Europa », ce n’est pas dans la Lucinde de Frédéric Schlegel, mais dans la Philosophie de l’Histoire de Herder, du prédicateur protestant de la cour de Weimar, qu’on le trouverait. — Parfois le ton indigné des critiques se hausse jusqu’à une sorte de lyrisme biblique. « Arrivé à ce degré d’aberration — écrit M. Fortlage à propos de l’« Europa » — Novalis nous présente l’image d’un voyageur altéré dans le désert, à qui son imagination enfiévrée fait entrevoir dans un mirage trompeur le Bar-Schaitan, c’est-à-dire le Fleuve de Satan. Trompé par les vapeurs tremblotantes qui montent du désert brûlant, il croit voir dans la cause même de tous ses maux les flots sauveurs d’un fleuve : il plonge sa main dans le sable, pour se désaltérer dans l’eau bienfaisante, et ne fait que se brûler davantage » (Fortlage, Sechs philosophische Vortræge, Iena, 1872, p. 110).

Cependant, après que la « Nachlese » eut découvert la supercherie littéraire de Frédéric Schlegel et qu’en 1880 M. Raich eut publié pour la première fois le texte intégral de la Dissertation (Novalis Briefwechsel, op. cit. p. 155 ss.), on s’aperçut que Novalis, tout en traçant un portrait idyllique et enchanteur du catholicisme médiéval, n’avait nullement prêché le retour au catholicisme moderne. Il s’agissait d’un christianisme nouveau, ou tout au moins d’une Église nouvelle, qui devait s’élever sur les ruines à la fois du catholicisme et du protestantisme. Déjà Tieck avait laissé entrevoir cette solution, dans la préface de la 5me édition des Œuvres, où il essayait de détruire l’effet produit par la publication de Frédéric Schlegel. « Ses conceptions poéti-