Aller au contenu

Page:Spenlé - Novalis.djvu/484

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
96
NOVALIS DEVANT LA CRITIQUE

sur lesquels le pèlerin isolé attache son regard fervent » (Preussische Jahrbücher, op. cit. p. 636). Mais ce sont là pourtant des symboles seulement, qui servent à figurer une réalité inexprimable, à manifester « une finalité métaphysique de la vie humaine ». Et cette finalité métaphysique, c’est à la pensée philosophique seulement qu’elle se découvre dans ce qu’elle a de plus intime, dépouillée de tous les symboles extérieurs et accidentels. Le grand éducateur de Novalis a été Fichte, dont il n’a fait que développer et continuer l’idéalisme spéculatif. « À l’élève de Fichte le Moi apparaît comme la Nature dévoilée, — le Moi dans son essence éternelle, c’est-à-dire la volonté douée de raison » (ibid. p. 641). La grande originalité de Novalis, comme penseur, c’est d’avoir pressenti que « les phénomènes de la volonté et du sentiment ne peuvent pas être ramenés à des rapports intellectuels de représentations » (ibid. p. 623), c’est que « le monde, que nous ne pouvons concevoir que par analogie avec notre Moi, ne peut être expliqué par la liaison, comme si cette dernière en constituait toute l’essence, mais par un abîme béant et chaotique (eine gærende Tiefe), impénétrable à la pensée, et qui, dans la volonté ou dans l’imagination se manifeste à nous d’une manière au moins tout aussi élémentaire que dans la raison » (p. 621). À cet égard on peut dire que Novalis a été un précurseur de Schopenhauer. « Si paradoxal que cela paraisse, le point de vue de Novalis se rapproche le plus du système de Schopenhauer, pris dans son ensemble et dans sa conception première » (p. 621). — Par là aussi doivent s’expliquer les conceptions religieuses du poète. Peut-être M. Dilthey exagère-t-il à ce propos l’influence de Schleiermacher, — particulièrement des Discours sur la Religion, que Novalis n’a lus qu’en septembre 1799, c’est-à-dire lorsque sa pensée était déjà à peu près formée. En Novalis comme en Schleiermacher, l’auteur reconnaît un des premiers annonciateurs de cette philosophie religieuse moderne, qui repose non plus sur des articles de foi, sur des données historiques, mais sur la constatation phi-