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Page:Spenlé - Novalis.djvu/485

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LES PROBLÈMES

losophique et critique des puissances irrationnelles dans la vie et dans le monde. Ils ont reconnu l’un et l’autre cette « moralité de la vie mouvante », qui s’insurge contre toutes les morales doctrinaires, contre tout ce qui cherche à fixer, à arrêter la spontanéité vivante, et qui trouve dans l’art son moyen d’expression le mieux approprié. — Et c’est aussi cette philosophie religieuse supérieure, cette « finalité métaphysique de la vie » qui a inspiré le plan de Henri d’Ofterdingen et que Novalis a voulu rendre pour ainsi poétiquement sensible, en renouvelant l’antique hypothèse cosmologique de la migration des âmes. C’est là ce qui fait que cette œuvre incomplète subsistera toujours comme « un torse splendide ».

Personne peut-être, depuis M. Dilthey, n’a interprété avec autant de profondeur et de sympathie clairvoyante la pensée du poète romantique. Même l’étude, très nourrie, de M. Haym — qui a servi à presque tous les commentateurs postérieurs — ne marque pas un progrès sensible. Mais elle a mieux fait ressortir certains aspects particuliers. M. Haym ne juge Novalis que par rapport au système de Fichte. « Ce qui frappe au premier abord, c’est l’absolue dépendance de sa vie spéculative et imaginative à l’endroit de la doctrine de Fichte… Personne n’a réussi mieux que lui à se libérer des étroitesses de ce système et personne n’en a saisi plus profondément l’intuition fondamentale » (Die romantische Schule, op. cit. p. 354). Mais en voulant interpréter d’une manière originale cette intuition philosophique, Novalis en a peu à peu transformé le sens primitif ; il a accentué exclusivement le côté subjectif de cet idéalisme, il a encore hypostasié le Moi de Fichte, l’élevant au-dessus de toutes les réalités empiriques, morales ou rationnelles et aboutissant ainsi à un idéalisme « magique », c’est-à-dire à un illusionnisme absolu (ibid p. 363). Ainsi le monde se change en une féerie fantastique, où s’exerce un arbitraire illimité : c’est ce qui constitue proprement, aux yeux de M. Haym. le « Gemüt » romantique, dont l’expression littéraire et phi-