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Page:Spenlé - Novalis.djvu/488

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NOVALIS DEVANT LA CRITIQUE

tait le côté rationnel de la doctrine, la rigueur mathématique de ses définitions et de sa méthode. Mais ce n’est là qu’un des aspects du spinozisme et peut-être le moins profond. Il y a dans ce panthéisme un élément mystique et esthétique que les romantiques allemands ont bien mis en lumière. « Cependant le spinozisme peut impliquer aussi que le monde, à proprement parler, n’est pas, puisqu’il n’est pas une chose faite et qu’il n’a pas commencé d’être, mais que, manifestant sans cesse l’action nécessaire de Dieu, il est sans cesse à l’état de naissance » (p. 318). Cette « théophanie » continue, cette incessante « révélation » divine, trouve dans l’art son expression la plus parfaite : ainsi les romantiques ont interprété Spinoza. « Le panthéisme a raison, parce qu’il soutient que, tout est organe de la Divinité, parce qu’il transforme en réalités effectives les conceptions de l’idéalisme. La vraie philosophie est un idéalisme réaliste : c’est la doctrine de Spinoza » (p. 323).

Dans une étude sur la philosophie de la Nature de Novalis, M. Huber d’autre part s’est efforcé de dégager les analogies nombreuses entre la pensée de Novalis et celle de Schelling (Euphorion, Zeitschrift für Litteraturgeschichte, 1899, 4tes Ergænzungsheft, « Studien zu Novalis ». — p. 90 ss.). Les deux auteurs, d’après lui, partent de la même conception symboliste de la nature ; tous deux font de la sensibilité la force suprême de la nature ; chez tous deux on trouverait une conception analogue de la maladie (tirée des écrits du médecin écossais Brown) et aussi une certaine « Todessehnsucht » romantique, dont M. Huber signale les germes dans les premiers écrits de Schelling ; enfin tous deux en arrivent à substituer l’intuition mystique à l’analyse scientifique et rêvent une mythologie nouvelle, scientifique et poétique, de la nature. Que prouvent cependant ces analogies, qu’on pourrait encore multiplier à l’infini ? Est-ce Novalis qui s’est inspiré de Schelling ? M. Huber semble parfois pencher vers cette solution. Mais la comparaison chronologique des premiers écrits de ces deux auteurs et